La « liaison gériatrique » au crible

Le KCE a décortiqué le fonctionnement des « équipes de liaison gériatrique » des hôpitaux. Ces équipes mobiles sont supposées œuvrer à une approche globale du patient à haut risque gériatrique lors de son séjour. Verdict ? Hétérogénéité, effectifs rares et parfois manque d’efficacité semblent au rendez-vous.

On entend souvent les médecins de famille ou les maisons de repos relater que leurs patients/résidents âgés admis à l’hôpital en ressortent régulièrement avec - certes - une résolution aussi complète que possible du problème ayant causé l’hospitalisation, mais également en ayant perdu dans l’aventure leur verticalité, de l’autonomie, de la continence… La Belgique, il y a une dizaine d’années, a créé le concept d’ « équipe de liaison interne gériatrique » dans les hôpitaux, pour mieux prendre en considération la vulnérabilité de ces aînés pouvant basculer rapidement dans la dépendance.

Il s’agissait également de quitter une stricte « logique d’organes », en adoptant à l’égard des plus de 75 ans une approche holistique qui prenne en considération leurs capacités cognitives, physiques et psychosociales. Soit la philosophie d’application dans les services de gériatrie (les lits G), qui hélas peinent à faire face aux besoins croissants liés au vieillissement. Les équipes de liaison (composées le plus souvent d’un gériatre et d’un infirmier spécialisé) « sortent » donc de ces services spécifiques pour sillonner les autres étages hébergeant des patients très âgés – on songe aux services d’orthopédie qui posent des prothèses de hanche. Elles évaluent leur état pour formuler des recommandations à propos des soins à leur apporter.

Le Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE) s’est penché sur l’organisation et le fonctionnement de ces équipes volantes. Il a relevé qu’en dépit d’une législation relativement précise, le concept était mis en pratique de façon très variable d’un hôpital à l’autre, au gré des priorités de chacun. Cela ne signifie pas qu’on ne puisse accorder une certaine souplesse d’implémentation locale. Toutefois, il serait bienvenu de promouvoir le déploiement d’un « socle » de pratiques éprouvées. Les professionnels interviewés ont appelé de leurs vœux la création d’un lieu formel d’échange de pratiques, subsidiée par les pouvoirs publics, tel qu’il en a existé lors du lancement des projets pilotes de gériatrie de liaison.

Le KCE a aussi noté que, globalement, les demandes en soins gériatriques dépassaient largement les possibilités des ressources humaines (et les budgets qui leur sont alloués). On se heurte il est vrai, dans la sphère de la gériatrie, à une pénurie installée tant de gériatres que de personnel infirmier spécialisé (*). Bref, les staffs semblent de taille trop modeste pour rencontrer les besoins. « Bon nombre de patients à risque ne sont donc jamais vus par l’équipe de liaison », regrettent les auteurs du rapport.

Ne pas se braquer sur l’hôpital

Le KCE recommande d’explorer d’autres modèles organisationnels, comme le co-management, en vertu duquel le gériatre ne se borne pas à un rôle consultatif mais prend des décisions de soins en concertation avec les médecins de l’unité d’hospitalisation. Plus largement, il serait indiqué d’augmenter le niveau global de connaissances en gériatrie de tout le personnel soignant de l’établissement, histoire d’y faire fructifier la « culture gériatrique ».

Mais il ne faut pas se braquer non plus sur l’« hospitalier exclusif ». Le déploiement des soins transmuraux, par exemple, prend tout son sens à l’heure où les formules uniquement centrées sur l’hôpital sont malmenées par les évolutions en marche, raccourcissement des séjours et multiplication des patients combinant des pathologies chroniques multiples. L’idée est de mettre l’expertise gériatrique à la disposition des dispensateurs de soins externes de sorte à éviter certaines hospitalisations.

Flottement dedans, à ne pas montrer dehors ?

Une marge de progression se fait jour également en matière de suivi en post-hospitalisation. Les professionnels interviewés ont pointé des problèmes au niveau de la collaboration avec la 1ère ligne, bien plus aigus que les faiblesses internes, dixit le KCE. « Depuis avril 2014, il est devenu obligatoire de transmettre les recommandations de l’équipe de liaison gériatrique au médecin généraliste », explicite-t-il. Verdict ? « Leur implémentation n’en est guère plus avancée. » Entre autres, à en croire les témoignages récoltés, parce qu’il y a réticence des médecins hospitaliers à inclure ces recommandations dans la lettre de sortie destinée au médecin traitant. Réticence qui, d’après certains, est due au fait que cela mettrait en lumière le fait que des équipes hospitalières elles-mêmes ne se plient pas auxdites recommandations…

(*) il faudrait un minimum de 20 nouveaux gériatres par an en Belgique, alors que seuls 28 médecins ont débuté une formation pour l’ensemble des quatre années 2010-2013.

J.M.

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