Arrêts et refus de traitement : le patient d’abord

L’Ordre des médecins se penche sur les refus de traitement - pointant les limites de la « déclaration anticipée négative » - et l'arrêt des traitements dépourvus de sens chez les patients incapables de manifester leur volonté. Principe-clef tant dans l’intervention que la non-intervention: l'intérêt du patient prime l'avis d’un représentant.

Dans un récent avis, l'Ordre des médecins rappelle les deux grands types de représentants pour le patient adulte incapable d’exercer lui-même ses droits de patient tels que prévus par la loi de 2002 : le mandataire désigné et le représentant légal.

Le premier est désigné par le patient par mandat écrit spécifique, daté et signé. Première précision : un médecin n’est pas tenu d’entreprendre des recherches pour savoir s’il y a eu désignation d’un mandataire. C’est au patient qu’il incombe (incombait) de le signaler, notamment par écrit, en faisant ajouter un document en ce sens dans son dossier médical.

Le statut de « mandataire désigné » implique que le médecin ne peut déroger à la décision du représentant qui constituerait une menace pour la vie du patient ou une atteinte grave à sa santé, dès lors que ce représentant est en mesure d’invoquer la volonté expresse du patient. Celle-ci a pu être consignée dans une « déclaration anticipée négative », qui devra être respectée.

Par le biais de cette déclaration, rédigée à un moment où il est capable d’exprimer sa volonté, le patient peut stipuler qu'à l'avenir, il refuse qu’un praticien professionnel procède à une intervention déterminée.

Ici non plus, ce n’est pas au médecin de vérifier si un tel document - pour lesquels il n’existe aucun registre officiel - existe quelque part. Il devra respecter la déclaration uniquement dans la mesure où le patient lui-même a pris la précaution de la faire connaître, explicite l’Ordre. Encore une fois, il est conseillé au patient de (faire) mentionner largement ce document - dans son dossier et lors de toute nouvelle hospitalisation.

Cette déclaration est-elle, doit-elle toujours être respectée ? L’Ordre évoque la course contre la montre d’une intervention des secours: « dans la pratique, les ambulanciers ignorent cette déclaration anticipée négative parce qu'ils n'ont pas le temps, dans les situations urgentes, d'apprécier cette déclaration anticipée négative à sa juste valeur. » Il estime que « par conséquent, il est justifié qu'ils ignorent ce document », et donc commencent tout de même une réanimation que le patient n’aurait pas souhaitée par exemple.

Par ailleurs, l'application de la déclaration anticipée négative se révèle compliquée, observe encore l’Ordre, en ce sens qu’elle doit porter sur une intervention « déterminée » et non être composée de refus vagues. Mais le caractère « déterminé » s’apprécie à la lueur de l’évolution des techniques médicales : lorsqu'une déclaration a été rédigée dix ans auparavant et que nombre de nouvelles interventions potentielles sont apparues, « la déclaration peut par conséquent perdre son caractère ‘déterminé’ ».

Le second type de représentant du patient est le représentant légal. Si le patient n'a désigné aucun mandataire (ou si celui-ci ne peut ou ne veut intervenir) et qu’il y a administration de biens, le juge de paix peut avoir habilité l'administrateur à exercer les droits du patient en cas d’incapacité de ce dernier à manifester sa volonté. Si aucun administrateur de la personne n'est mandaté à cet effet, « alors interviennent successivement l'époux cohabitant, le partenaire cohabitant légal ou le partenaire cohabitant de fait, un enfant majeur, un parent, un frère ou une sœur majeurs du patient », rappelle l’Ordre. Si jamais toutes ces personnes à mobiliser « en cascade » font défaut, c’est alors le médecin qui veille aux intérêts du patient.

Face à une demande d’acharnement thérapeutique

L’Ordre souligne que la compétence de représentant (désigné ou légal) n'implique pas de pouvoir exercer tous les droits du patient. Le médecin déroge à la décision d’un représentant légal si elle constitue une menace pour la vie du patient ou une atteinte grave à sa santé, le cas échéant dans le cadre d'une concertation pluridisciplinaire. Le représentant ne peut pas, par ailleurs, faire appel au droit de ne pas savoir pour ignorer certaines informations relatives à l'état de santé du patient. Autre exemple de limite: le droit de consulter et avoir copie du dossier médical peut être restreint dans le but de protéger la vie privée du patient. En outre, puisqu’un représentant entre en scène quand le patient est incapable d’exprimer sa volonté, il peut uniquement prendre une décision actuelle, et non signer un document pour une intervention médicale, ou son arrêt, qui se déroulerait à l'avenir.

Il arrive que des problèmes surgissent lorsque le représentant n'est pas d'accord avec l'arrêt ou la non-mise en œuvre d'un traitement. L’Ordre renvoie à son avis de 2003 sur les décisions médicales de fin de vie, qui évoque notamment les traitements médicalement dépourvus de sens. Déontologiquement, estime-t-il, arrêter ou ne pas lancer un traitement est indiqué « s'il est scientifiquement établi qu'il n'y a plus d'espoir d'une amélioration raisonnable et que des traitements prolongeant la vie n'augmentent pas le confort du patient et ne lui procurent plus que gêne et souffrance ». Si un médecin est confronté à un représentant qui lui réclame un acharnement thérapeutique, la loi « droits du patient » prévoit qu’il peut, dans le cadre d'une concertation pluridisciplinaire, s'écarter de l'avis du représentant "dans l'intérêt du patient et afin de prévenir toute menace pour sa vie ou toute atteinte grave à sa santé". Commentaire de l’Ordre : « ceci fait apparaître que l'intérêt du patient prime l'avis du représentant ».

Si jamais il y a une divergence d'opinions persistante entre le médecin et le représentant, l’Ordre invite le professionnel à vérifier si les représentants de même rang sont du même avis. Et dans le cas contraire, dit-il, on en revient au principe voulant que le médecin veille aux intérêts du patient.

J.M.

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