Des antidépresseurs chez 53% des résidents

Comme d’autres mutuelles avant elles, les mutualités libres se sont intéressées à la prescription de médicaments à leurs 22.000 affiliés hébergés en MRPA/MRS. Elles concluent à de fortes disparités dans la consommation d’antidépresseurs et d’antipsychotiques, avec des moyennes inquiétantes.

L’été dernier, les mutualités socialistes sortaient une étude longitudinale démontrant que l’entrée en MRPA/MRS n’influençait pas radicalement le volume total de médicaments pris et ne faisait pas flamber la polymédication. Toutefois, elles s’alarmaient de l’instauration, au home, de traitements par antidépresseurs et antipsychotiques. Cri d’alerte similaire de la part des mutualités libres (MLOZ) cette année, qui médiatisent une étude confortant le fait que l’institutionnalisation a un « impact considérable » sur la consommation de ces deux catégories de produits.

D’après elles, un résident de maison de repos sur deux (53%) prend des antidépresseurs, un sur trois des antipsychotiques (36%), contre respectivement 21% et 7% des affiliés du même âge dans leur ensemble. Les mutualités libres ont affiné leur analyse en comparant la consommation des six mois qui précèdent une institutionnalisation avec celle des six mois qui suivent ce changement de lieu de vie chez leurs affiliés institutionnalisés pour la première fois en 2011. « L’entrée en maison de repos augmente de 34% le nombre de personnes traitées par antidépresseurs et de 81% le nombre de personnes traitées par antipsychotiques. Cette hausse très importante se voit rapidement, au cours des six mois qui suivent l’arrivée en maison de repos », explicitent-elles.

De 30 à 90% de résidents sous antidépresseurs

Les chercheurs se sont également arrêtés sur les variations observables entre établissements dans la délivrance d’antidépresseurs et d’antipsychotiques. Elles ont pour ce faire retenu les institutions incluant au moins 10 de leurs affiliés, soit près de la moitié des MRPA/MRS du territoire belge (mais quelques-unes seulement en province de Luxembourg et aucune en Limbourg). Extrêmes repérés: dans certaines institutions, 90% des personnes âgées reçoivent des antidépresseurs, dans d’autres 29%; pour les médicaments antipsychotiques, cela va de 75% à 5%. Ces variations sont qualifiées de « particulièrement interpellantes » par l’OA.

Par ailleurs, ce dernier a examiné la durée du traitement par antidépresseurs d’une cohorte de résidents ayant évolué en maison de repos de 2007 à 2011. Alors que la durée recommandée pour un épisode dépressif majeur est de 9 à 12 mois, 72% des personnes âgées prenant des antidépresseurs en 2007 ont continué sur cette lancée pendant les cinq ans considérés, en d’autres termes: au moins cinq ans.

Enfin, en s’appuyant sur la liste de Beers, les critères Start & Stopp et le formulaire thérapeutique MRS de Farmaka (bref, autant d’outils visant à écarter les molécules non adaptées aux sujets âgés et à veiller à une polyprescription cohérente), les MLOZ ont établi qu’au moins un résident sur cinq reçoit un antidépresseur repris comme inapproprié sur la liste de Beers, quatre sur dix un antidépresseur tricyclique dans une situation où le Start & Stopp le désavoue, et seulement un sur dix un antidépresseur issu du formulaire thérapeutique (*).

Systématiser le feedback aux MG et directions

Outre inciter les acteurs de la santé à une réflexion globale sur les pratiques de prescription en MRPA/MRS, les mutualités libres recommandent de revoir régulièrement la médication des résidents. « Ceci implique une concertation continue entre le médecin coordinateur - dont le rôle doit être renforcé -, les médecins traitants, le pharmacien et les infirmiers », complètent-elles. L’OA en appelle également à la systématisation d’un feedback aux médecins prescripteurs (à 90%, il s’agit de généralistes, précisent-elles, que le résident voit en moyenne 15 fois par an) à propos de leur comportement de prescription ainsi qu’aux gestionnaires de maisons de repos sur l’utilisation des médicaments dans leur établissement. Les mutualités, enfin, citent le « renforcement du personnel soignant ou accompagnant » comme susceptible d’améliorer l’état psychique des résidents et réduire le recours aux médicaments.

J.M.

(*) notons toutefois que ces outils viennent en appui de la décision du prescripteur, sans devoir s’appliquer aveuglément

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