Le KCE veut faire cohabiter urgentistes et MG

Le récent rapport du KCE sur l’organisation des soins urgents fait du bruit dans le corps médical. La suggestion de créer, dans les hôpitaux, des « centres de soins aigus non planifiés » où cohabiteraient les urgences et une permanence de médecine générale, va à l’encontre de ce que défendent les généralistes.

vie@home vous a plus d’une fois exposé les évolutions à l’œuvre dans la garde population, que les MRPA/MRS contactent en cas de problème de santé imprévu d’un résident. Depuis une décennie, et cela s’est accéléré ces dernières années, les cercles de médecins généralistes repensent leur organisation, revoient leurs secteurs de garde, les fusionnent avec leurs voisins…, souvent en s’appuyant sur un ou plusieurs postes de garde où se tiennent des consultations et d’où rayonnent des médecins mobiles. Il y a aujourd’hui 70 de ces structures dans le pays.

Le financement des postes, inscrit sous la précédente législature dans un « plan garde » qui aurait dû courir jusque fin 2016, a connu un coup d’arrêt l’automne dernier sur décision de Maggie De Block. La ministre réclame une standardisation du financement des postes guidée par un souci d’efficience et une collaboration accrue entre la garde et les hôpitaux locaux. Un très large front commun de protestataires s’est formé, parmi les généralistes belges, pour défendre l’outil poste, qu’ils apprécient manifestement. Les protagonistes du dossier se rencontrent depuis deux mois au sein d’une « task force » créée par le cabinet De Block pour discuter de l’avenir des postes - et ce de façon plus ou moins constructive, cela dépend des semaines et des sources.

L’hôpital, « pôle d’attraction »

Voilà pour la toile de fond, à tendance orageuse. Parallèlement, le KCE était occupé depuis des mois à examiner l’organisation des urgences des hôpitaux et leur articulation avec la médecine générale. Dans ses conclusions publiées fin mars - et évidemment fort attendues vu le contexte -, le Centre fédéral d’expertise préconise la diminution du nombre de services d’urgence existants en Belgique (139), en se basant entre autres sur des critères de répartition géographique. Puis prône la création, sur les sites hospitaliers où un service d’urgence sera maintenu, de « centres de soins aigus non planifiés ». Dans ces centres cohabiteraient d’une part les urgences et de l’autre une permanence de médecine générale. Les deux unités seraient accessibles via une même porte d’entrée, les patients étant triés à leur arrivée pour être orientés, en fonction de la gravité de leur problème, vers l’une ou l’autre.

Même s’il précise que cette permanence restera sous la tutelle du ou des cercles locaux et qu’elle n’est pas là pour faire concurrence aux médecins traitants, le KCE imagine néanmoins que des généralistes y seront disponibles « around the clock », 7 jours sur 7. Il n’y aurait donc pas qu’un « déménagement » de postes de garde dans les hôpitaux, mais un élargissement de leurs horaires de fonctionnement.

Et s’il plaide pour l’intégration des postes dans l’hôpital, c’est parce qu’elle serait d’après lui « plus claire et plus pratique » pour la population. L’hôpital est un pôle d’attraction, indique le KCE, le public sait où il est et a déjà l’habitude d’aller spontanément aux urgences, même si ce n’était pas médicalement requis. 71% des gens qui s’y rendent n’ont pas été référés par un médecin, ajoute le KCE, et la littérature internationale estime à 20 à 40% la part de ceux qui auraient pu être pris en charge par un généraliste.

Justement ce que refusait le front commun

Le KCE propose un financement mixte tant des urgences que de la permanence, avec une part fixe (importante) qui rétribue la disponibilité, et une part variable liée aux actes (qui seraient moins honorés qu’actuellement). Il conseille aussi d’harmoniser les tickets modérateurs que doivent payer les patients selon qu’ils s’adressent à l’hôpital ou à la première ligne de soins, et encourage la permanence des généralistes à travailler en tiers payant, comme les urgences. La synthèse du rapport ne dit rien, par ailleurs, des éventuels déplacements des généralistes de permanence au chevet de patients non ou difficilement déplaçables, comme le sont fréquemment les résidents des MRS.

Dès la sortie des conclusions du KCE, des organisations syndicales de généralistes comme le GBO, le Groupement belge des omnipraticiens, et l’ABSyM ont médiatisé leurs réserves. Il est vrai que lors, des dernières réunions de la task force, les médecins généralistes s’étaient précisément opposés en bloc à toute assimilation systématique des postes dans l’hôpital partout dans le pays et à l’extension de la disponibilité à 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. C’est un dossier que les médecins généralistes ne lâcheront pas, assurément, car ils redoutent que la mise en œuvre du modèle imaginé par le KCE ne dénature leur métier.

J.M.

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